La fréquence des lésions calcifiées croît régulièrement impliquant environ 20 % des procédures d’angioplastie. Si ces lésions sont largement sous-estimées par l’angiographie conventionnelle, elles complexifient singulièrement
les procédures avec un risque d’échec d’implantation de stent, de dissection, de malapposition et/ou sous-déploiement des endoprothèses coronaires générant un risque de MACE élevé dont la
thrombose de stent et/ou la resténose. Elles nécessitent une préparation
spécifique dominée par l’athérectomie et la lithotripsie endovasculaire.
Ces dernières années ont vu notre arsenal technologique du traitement des lésions coronaires calcifiées s’enrichir considérablement : remboursement des fraises du Rotablator®, ballons
OPN autorisant de très hautes pressions, lithotritie endocoronaire avec le Shockwave. La dernière
innovation, l’athérectomie orbitale, encore peu répandue en France propose un concept
hybride particulièrement séduisant associant à la fois un « ponçage » de la lésion mais aussi
une modification en profondeur de la plaque par les forces pulsatiles générées.
Ces nouvelles techniques sont un formidable progrès mais posent un double défi contradictoire
: le volume d’utilisation nécessaire pour amortir la learning curve et le maintien au niveau
des utilisateurs mais aussi leur coût. Pour les manier chacune parfaitement, il faudra traiter
beaucoup plus de lésions de première intention avec ces outils avec un risque de dérapage des
coûts imposés à nos établissements… encore majoré si nous ambitionnons de sélectionner
notre choix sur la base d’un OCT.
À moins que le pragmatisme et surtout notre retour d’expérience sur le véritable service rendu
dans la vraie vie ne nous facilite le choix.
L’athérectomie orbitale en bref
Si cette derniere apparait tres seduisante, facile a mettre en oeuvre, elle n’affecte que la compliance du vaisseau, et d’autre part la taille et le nombre d’impulsions
potentiellement delivrables des ballons limitent son utilisation. L’atherectomie
rotationnelle, sur les etageres depuis plus de 30 ans, n’a jamais demontre une superiorite d’efficacite sur le long terme et sa penetration reste ineluctablement
stable aux environ de 2 %. L’arrivee d’un nouveau système d’atherectomie orbitale vient bousculer la preparation de ces lesions calcifiees.

DE QUOI S’AGIT-IL ET COMMENT ÇA MARCHE ?
Le systeme d’atherectomie orbitale (OAS) a ete developpe par la societe Cardiovascular Systems (CSI) sous le nom de Diamondback 360™. Il est distribue
en France par OrbusNeich. Approuve par la FDA depuis 2014, le systeme vient d’btenir
il y a un peu plus d’un an le marquage CE permettant sa diffusion.Il s’agit d’un systeme d’atherectomie compose d’une pompe, d’un guide specifique, d’un lubrifiant et d’une couronne sertie de diamants possedant un double mecanisme d’action (figure 1) :– un poncage progressif de laplaque calcifiee par un mouvement
centrifuge et de rotation de la couronne ; – une modification profonde de la plaque par les forces pulsatiles generees augmentant la compliance du vaisseau. Le dispositif, coaxial, est constitue d’un catheter gaine souple possedant dans sa partie distale
(nosecone) une couronne de 1,25 mm de diametre (taille unique) sertie de diamants
d’epaisseur de 10 microns disposee de facon circonferentielle
(figure 2). Le bloc moteur de commande (figure 3) se situe a l’extremite proximale avec
un bouton central permettant d’activer et de mobiliser la couronne, une commande tactile
des vitesses et de de la purge du systeme. Enfin, sur la partie toute distale on trouve le
bouton du frein qui permet de bloquer le guide lors de l’atherectomie. Le systeme est connecte a la pompe electrique qui va transmettre par force centrifuge un
mouvement elliptique et rotationnel a la couronne qui va ainsi venir au contact de la plaque calcifiee et progressivement
reduire son epaisseur en realisant
une atherectomie de facon circonferentielle. La pompe peut delivrer 2 vitesses, l’une lente a 80 000 tours/min avec laquelle on debutera toujours le traitement, et la 2e rapide a 120 000 tours/min adaptee a des vaisseaux de gros diametre (> 3 mm). Ainsi, la technique permet le traitement de vaisseaux de 2,5 a 4,0 mm de diametre. L’equation de la force centrifuge
F= (m.v2)/r (m etant la masse de la couronne, v la vitesse de rotation et r le rayon du vaisseau) permet aisement de comprendre qu’en augmentant la vitesse, la force augmente et permet un traitement des plus larges vaisseaux. La progression de la
couronne se fait sur un guide specifique de 0,012’’ (Viper-Wire Advance™, OrbusNeich) possedant une ame en nitinol dont les caracteristiques allient souplesse,
manoeuvrabilite assez exceptionnelle et support, son extremite distale etant en 0,014’ avec un grammage de 1 g. La progression de la couronne sur son axe longitudinal se fait
sur une distance maximale de 7,5 cm de long avec le bouton central. Le lubr i f iant
(ViperSlide™) est infuse dans le systeme et la coronaire via la pompe, dont la finalite est
de permettre la dispersion des microparticules issues du poncage (de taille inferieure a celle d’un globule rouge). Il permet de reduire le risque d’embolisation
distale et de no-reflow, mais aussi de minimiser le risque thermique induit par la cinetique de la couronne.
L’originalite de ce systeme
d’atherectomie est de fonctionner a la fois en anterograde et
L’athérectomie orbitale : un nouvel outil disponible !
••• SUITE DE LA P. 1
aussi en rétrograde, sans risque de blocage de la couronne. Sur des vaisseaux un peu tortueux, il s’ensuit une action d’abrasion optimisée sur la partie supérieure du vaisseau en antérograde, et sur la partie inférieure en rétrograde. Ces deux derniers points singularisent la technique par rapport à l’athérectomie rotationnelle. Le 2e mécanisme d’action est en lien avec les forces pulsatiles générées par le phénomène elliptique de la couronne couplé à sa masse, à l’origine de fractures de la média calcifiée, bien individualisées en imagerie endocoronaire contribuant ainsi à modifier la plaque calcifiée et donc améliorant la compliance du vaisseau permettant
une expansion et une apposition optimale du stent.
LES RÈGLES D’UTILISATION
Le système est compatible avec un cathéter guide 6 F et le choix d’un porteur avec un bon support est requis, pouvant dans certains cas nécessiter le recours à une extension de cathéter
guide. Le choix de la voie d’abord
importe peu en privilégiant la voie radiale. Le bon positionnement du guide
ViperWire Advance™ en distalité est essentiel car il est impératif de respecter une distance suffisante
de 5 mm entre la partie distale du nosecone et la partie floppy du guide afin d’éviter
un risque de fracture du guide lors du ponçage. Les propriétés mécaniques du guide dont sa flexibilité et la réponse de son torque permettent dans la très grande majorité des cas de le manoeuvrer aisément sans avoir recours à un microcathéter. Après avoir purgé le dispositif OAS, vérifié la mobilisation et la rotation de la couronne, la gaine est introduite dans le cathéter en faisant point fixe sur le guide et la couronne est placée
en amont de la lésion à traiter.On veillera ensuite à relâcher les tensions dans le système afin d’éviter que la couronne ne saute dans la lésion lors de l’activation
de la couronne. Après verrouillage du frein, la p r e m i è r e s é q u e n c ed ’at h é r e c –
tomie peut ê t re débutée. Ce l l e -ci s’effectue t o u j o u r s à basse vitesse (quelle que soit la taille du vaisseau) et l’avancement de la couronne doit être très progressif sans
forcer, à environ 1 mm/s a v e c u n edurée de 30 s m a x i m u m pour chaque run. Il s’agit de respecter le concept de ponçage ou d’abrasion progressive de la plaque, de façon circonférentielle, en insistant particulièrement sur les zones très calcifiées. Néanmoins,
l’outil ne doit pas rester sur la même zone mais doit avancer ou reculer lentement, et ce grâce au bouton spécifique du dispositif, avec un ratio 1:1 entre la mobilité du bouton
et la réponse obtenue de la couronne. L’arrêt de la couronne doit se faire si possible dans une zone non sténosée. À la différence de l’athérectomie rotationnelle, on ne doit pas réaliser de picorage de la lésion avec l’OAS. Il est aisé de comprendre que plusieursruns vont être nécessaires pour préparer de façon optimale la lésion, alternant une abrasion anté et rétrograde. Un tempsde repos entre chaque run doit être respecté, le plus souvent égal au temps de ponçage. Sur les lésions de gros vaisseaux > 3,0 mm et massivement calcifiées,
on complètera le ponçage en vitesse rapide avec des runs un peu plus courts de 20 secondes environ. L’évaluation du résultat et du moment où on va arrêter l’athérectomie
est une étape impor- tante et repose sur plusieurs criteres : certains sont purement
subjectifs comme la sensation tactile de la disparition de la resistance et le bruit de sifflement de la couronne qui disparait, mais doivent etre completes soit par une evaluation avec un ballon au ratio 1:1 afin de verifier l’absence d’empreinte residuelle, soit par une evaluation endocoronaire (IVUS ou OCT). Le retrait de la couronne se fait
en mode GlideAssist (vitesse ultralente a 5 000 tr/min) apres avoir leve le frein du systeme. La qualite de support du guide permet dans la majorite des cas de
terminer la procedure et l’implantation du stent sans changer de guide.
Contre-indications à respecter et complications
Ce sont les lesions de pontages, la restenose intrastent, la presence
de thrombus et/ou d’une dissection au site. Des precautions devront etre prises devant une dysfonction ventriculaire gauche severe ou chez un patient presentant une hypersensibilite
aux produits du lubrifiant. Comme tout systeme d’atherectomie et en s’attaquant a
des lesions complexes, certaines complications doivent etre connues et prevenues dont
l’incidence diminue avec l’experience de l’operateur. • Au premier rang, il faut citer
le risque de perforation (0,7 %) le plus souvent lie a la couronne
qui saute dans la lesion, ou les lesions sur de trop petits vaisseaux.• Le risque de dissection est present comme sur chaque angioplastie d’une lesion calcifiee et
sera couverte par un stenting parfois long.• Le risque de slow ou no-flow est
evalue a 0,7 % des procedures et d’autant marque que la charge calcique est importante et que le poncage a ete prolonge, singulierement lors de l’utilisation d’une vitesse rapide. Il retrocede le plus souvent apres injection de nitre } inhibiteur calcique, et s’accompagne
d’une elevation plus ou moins importante de troponine avec un petit risque d’infarctus postprocedural. • Enfin, citons le risque de troubles conductifs transitoires
lors de l’atherectomie de grosses coronaires droites ou de circonflexe dominante, pouvant necessiter une stimulation transitoire que nous conseillons sur guide comme dans les procedures de TAVI. Exigee par la societe CSI, une formation
initiale est requise sur les
6 premiers cas avec une supervision permettant l’obtention d’une certification du praticien.
QUELLES LÉSIONS PROPOSER
À L’ATHÉRECTOMIE ORBITALE ?
Technique recemment disponible, son positionnement reste encore confidentiel mais les premiers resultats obtenus sont tres encourageants dans des lesions particulierement hostiles avec une procedure relativement simplifiee des lors qu’on accepte de prendre le temps d’effectuer une atherectomie progressive.
Avec une experience d’une cinquantaine de procedures, il ressort que les calcifications circonférentielles avec une large extension dans la média, a
fortiori sur des portions longues d’artere, se pretent particulierement a cette technique permettant une preparation optimale du vaisseau.
Figure 3. Le bloc moteur.
Figure 4. Patient de 82 ans avec angor d’effort crescendo.
A : sténose longue calcifiée de l’IVA proximale et moyenne avec grosse bifurcation.
B : résultats après 8 runs d’athérectomie orbitale puis provisional stenting suivi
d’une séquence POT-ouverture de maille-rePOT.
Figure 5. NSTEMI chez un patient de 58 ans. A : sténose critique massivement
calcifiée du segment 2 de la coronaire droite.
B : résultat après athérectomie orbitale (10 runs dont 6 en vitesse rapide) et stenting
La tortuosité d’une artère, si elle doit être abordée avec précautionen évitant la vitesse rapide, est une bonne alternative dans le choix thérapeutique(figure 4). L’OAS est particulièrement adaptée à un vaisseau dont le calibre varie entre les zones proximale
et distale, la couronne unique permettant de traiter l’ensemble de la lésion avec efficacité. De même, l’efficacité de la technique dans l’approche d’un gros
vaisseau calcifié est très optimale
(figure 5).
D’excellents résultats angiographiques
sont obtenus dans
le traitement des bifurcations
avec préservation de la branche
collatérale dans la majorité des
cas, en insistant sur un ponçage
plutôt rétrograde lorsqu’il existe
une discongruence de calibre
entre l’amont et l’aval de part et
d’autre de la bifurcation.
De même, une sténose très serrée
focale est aussi aisément
accessible en raison du profil
très fin du nosecone.
D’excellents résultats sont obtenus
sur les lésions excentriques
en privilégiant le mode de traitement
antéro ou rétrograde en
fonction de la localisation de la
lésion calcifiée (concavité ou
convexité de l’artère), mais aussi
sur les lésions bourgeonnantes
(figure 6).
Enfin, les ostia coronaires sont
accessibles par cette technique
en privilégiant le traitement
rétrograde, le franchissement de
la couronne s’effectuant en GlideAssist
en antérograde.
Pour finir, et bien que off-label,
des resténoses intrastents calcifiées
ont été traitées avec succès
par orbital.
QUE NOUS DIT LA LITTÉRATURE ?
À l’heure actuelle, nous ne disposons que de registres mais dont le suivi à long terme est encourageant. ORBIT I, l’étude first-in-man a montré un taux de MACE de 20 % à 5 ans(1).Dans ORBIT II, étude prospective pivot ayant permis l’obtention de l’approbation FDA, le
taux de sécurité était de 90 % et celui d’efficacité de 89 %(2). Le suivi de ces patients montre un taux de revascularisation de la lésion cible proche de ceux que les grands essais avec les DES retrouvent pour des lésions non calcifiées. Un large registre vient
confirmer ces excellents résultats a vec un taux de complications en baisse avec l’expérience acquise des opérateurs(3). De petites séries non randomisées et une méta-analyse comparant
les deux systèmes d’athérectomie ont montré une efficacité similaire mais avec moins
d’infarctus postprocédure avec l’athérectomie orbitale(4). Bien entendu, la confirmation
de ces résultats sera à évaluer en France et en Europe et le positionnement de cet outil nécessitera des essais randomisés comparatifs.
CONCLUSION
L’athérectomie orbitale relance la place de l’athérectomie dans la préparation des lésions calcifiées. Plutôt à utiliser en primo-intention qu’en bail-out, son double mécanisme d’action réunit une action très locale sur la
plaque calcifiée en la réduisant, mais aussi une action en profondeur bien connue avec la lithotripsie. Son action anté et rétrograde autorise une sécurité
d’utilisation, mais cette technique se doit d’être très progressive afin d’obtenir le résultat escompté. Bien entendu, son positionnement dans l’algorithme de prise en charge des lésions calcifiées nécessitera encore des essais comparatifs
Références
1. Bhatt P et al. Cardiovasc Revasc Med
2015 ; 16 : 213-6.
2. Lee M et al. Cardiovasc Revasc Med
2017 ; 18 :261-4.
3. Lee MS et al. J Interv Cardiol 2016 ;
29 : 357-62.
4. Doshi R et al. Scand Cardiovasc J 2021 ;
55(3) : 129-37.

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